Refuges précieux : La richesse insoupçonnée des zones humides d’Hénin-Carvin

09/09/2025

L’importance des zones humides dans le bassin minier

Entre la période de l’extraction charbonnière et l’actuelle reconversion de divers sites, les paysages d’Hénin-Carvin ont été bouleversés. Pourtant, certaines zones humides – naturelles ou issues d’anciens sites industriels – offrent aujourd’hui une exceptionnelle concentration d’espèces, contribuant au maintien des équilibres écologiques. Quelques raisons fondamentales à leur importance :

  • Filtration de l’eau : Les marais et prairies humides agissent comme des éponges naturelles, retenant les polluants et régulant les crues (source : Agence de l’eau Artois-Picardie).
  • Richesse floristique et faunistique : Plus d’un tiers des espèces remarquables du Pas-de-Calais sont observées sur moins de 10% du territoire, essentiellement dans ces milieux aquatiques (DREAL Hauts-de-France, 2022).
  • Corridors écologiques : Les zones humides relient les massifs forestiers, les anciens terrils et les espaces agricoles, jouant un rôle clé pour la faune mobile comme les amphibiens ou les oiseaux migrateurs.

Les perles bleues et vertes du territoire

Le Marais de la Marque : patrimoine naturel méconnu

À cheval entre Ostricourt, Montigny-en-Gohelle et Carvin, le marais de la Marque est l’un des plus étendus du territoire (plus de 60 hectares protégés). Son réseau de mares, d’herbiers aquatiques et de roselières accueille près de 180 espèces végétales, dont plusieurs protégées au niveau régional comme l’iris faux-acore (Iris pseudacorus) et la renoncule des marais.

  • En 2023, des inventaires menés par le Conservatoire d’Espaces Naturels des Hauts-de-France (CEN) ont recensé près de 60 espèces d’oiseaux nicheurs, dont la Rousserolle effarvatte et la Bouscarle de Cetti (source : CEN 2023).
  • Présence importante d'amphibiens : triton crêté, grenouille agile, et ponctuellement la rainette arboricole, espèce rare dans notre région.

Les étangs et coulées d’eau du Parc de la Glissoire (Avion-Liévin, limite d’Hénin-Beaumont)

Apparu sur d’anciennes excavations minières, le parc est aujourd’hui un vaste écrin de biodiversité : - Étampe de 17 hectares, profondeurs variées, rives bordées de massettes et de saules. - Plus de 12 espèces de libellules dont l’élégant Leste vert et l’Anax empereur (source : Atlas régional des Odonates, OPIE).

Le site attire aussi les hérons cendrés, plusieurs groupes de grèbes castagneux, et même, chaque hiver, le rare Harle piette, petit canard nordique.

Friches humides et petits marais du Bois de l’Offlarde

Ce bois périurbain situé à Rouvroy fait partie des zones humides les plus dynamiques du secteur : - Mares temporaires formées par les anciens affaissements miniers : paradis saisonnier pour crapauds calamites et tritons palmés. - Près de 20 espèces de papillons recensées dont le Cuivré des Marais, en déclin national.

L’arrivée récente de l’orchidée de mai (Dactylorhiza majalis), signalée par la Société Botanique du Nord de la France, montre le potentiel de résilience de ces milieux, dès lors qu’ils sont peu dérangés.

Terrils-milieux humides : une biodiversité inattendue

Les terrils du bassin minier n’accueillent pas que des forêts pionnières ou des landes sèches. Certains, comme le terril de Noyelles-Godault et celui d’Hénin-Beaumont, abritent des mares permanentes issus d’affaissements, véritables « micro-zones humides ».

  • Batraciens rares : présence régulière du triton alpestre et de la grenouille rousse – espèces considérées en régression ailleurs.
  • Flore aquatique singulière : lentilles d’eau, prêles des marais, et la très discrète pulicaire commune (Pulicaria vulgaris), indicateur de sols gorgés d’eau.
  • Espèces patrimoniales d’insectes : découverte en 2019 de la criquette pygmée, liée aux milieux humides ouverts (source : Fédération Nord Nature Environnement).

Les corridors aquatiques : rivières, fossés et zones alluviales

La rivière Deûle et ses affluents serpentent encore à la périphérie de la communauté d’agglomération. Les fossés d’écoulement, souvent ignorés, se révèlent être de véritables autoroutes pour la biodiversité :

  • Conquête rapide par la Jacinthe d’eau (invasive en progression) mais aussi maintien d’espèces indigènes comme la myriophylle en épi et la potamogéton.
  • Berge du fossé de Chicheboville : nids de bergeronnettes grises, couvées annuelles de canards colverts observées par le Groupe Ornithologique et Naturaliste du Nord (GON).
  • Migrations nocturnes de crapauds : jusqu’à 500 individus recensés chaque printemps lors des « nuitées migratoires » sur la commune de Dourges, selon les relevés bénévoles locaux.

Prairies inondables et renouées avec le passé agricole

Sur secteurs tels que la plaine humide de Courrières : - Inondations saisonnières favorisent la floraison de joncs, d’œillets superbes (Dianthus superbus) et de grandes ombellifères. - Prairie humide gérée par pâturage extensif : retour récent de la cistude (tortue d’eau douce) signalé en 2021 par la LPO régionale sur le canal de Lens.

Ces prairies offrent aussi une mosaïque d’habitats qui favorisent la nidification du tarier des prés, espèce emblématique des milieux semi-ouverts humides d’Europe occidentale.

Des menaces persistantes mais des mobilisations encourageantes

Le déclin national des zones humides est très marqué : près de 50% ont disparu en France au XXe siècle (source : Ramsar Info 2021). Les pressions sont aussi bien présentes à Hénin-Carvin :

  • Urbanisation et assèchement : de nombreuses mares et fossés sont encore remblayés ou canalisés.
  • Pollutions diffuses : nitrates, hydrocarbures, dépôts sauvages.
  • Espèces invasives : renouée du Japon, jussies, écrevisses américaines, qui concurrencent la flore et la faune locales.

Pourtant, ces dernières années, plusieurs actions témoignent d’une prise de conscience :

  • Depuis 2019, la mise en réserve volontaire d’au moins 25 hectares sur les marais proches de Montigny-en-Gohelle, gérés par le Conservatoire régional.
  • Chantiers participatifs (ramassage, créations de passages pour amphibiens) associant municipalités, écoles et habitants, ex : opération "Nuits des Amphibiens" à Hénin-Beaumont.
  • Installation de zones tampons végétalisées et haies pour limiter la pollution agricole autour des prairies de Dourges (Agricultures & Territoires Hauts-de-France, 2022).

Observer, comprendre, transmettre : le rôle du citoyen

L’accès aux zones humides n’est pas toujours aisé, mais l'observation simple : promenade guidée, écoute des sons d’eau ou photographies naturalistes sur les sentiers aménagés, contribue déjà à la préservation :

  • Plus de 800 observations naturalistes transmises par les habitants via l’application INPN Espèces en 2023 sur le territoire.
  • Des balades accompagnées par le CPIE Chaîne des terrils ou les animateurs nature locaux permettent une initiation à la reconnaissance des traces et indices de la faune (plumes, œufs, empreintes).
  • Des ateliers scolaires sur le terrain, notamment avec l’école primaire de Montigny-en-Gohelle, abordent la gestion des mares, l’évolution des libellules ou l’importance des mares pour les oiseaux migrateurs.

Les zones humides ne sont pas uniquement des lieux de conservation passive ; elles offrent un pont entre le passé (paysages agricoles et miniers), le présent urbain et le futur résolument tourné vers le respect du vivant.

Vers un nouveau regard sur les zones humides d’Hénin-Carvin

À travers leur résilience et leur diversité, ces milieux singuliers démontrent chaque année leur potentiel éducatif et écologique. Ils offrent une incroyable variété d’espèces, tout en étant à la portée de chacun : observer la migration des crapauds en bord de ruisseau, la floraison d’orchidées sur un terril ou la danse azurée des libellules autour d’un étang. Le défi : continuer à allier usages, protection et transmission. Les zones humides de la communauté d’agglomération sont un patrimoine vivant que chaque habitant peut découvrir, apprendre à aimer et contribuer à préserver.

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