Aqua&Terrain : vivre la nature à Hénin-Carvin

Ici, la nature inspire chaque Pas...de-Calais

À Hénin-Carvin, les anciens terrils miniers sont devenus des refuges écologiques, accueillant flore pionnière et faune sauvage.

un territoire façonné par l’eau et par l’usage

Hénin-Carvin est une terre d’anciens équilibres. Pendant plus d’un siècle, l’eau et la terre ont été mises au service de l’industrie : extraction du charbon, canaux de transport, urbanisation rapide. Mais derrière ce récit bien connu, d’autres dynamiques naturelles ont continué d’exister, souvent à la marge.

Les rivières, même canalisées, restent vivantes. La Souchez, la Deûle, le canal de Lens ou les fossés agricoles dessinent une trame d’eau qui, en lien avec les nappes phréatiques, abrite une faune discrète mais bien réelle : tritons palmés, libellules, rousserolles effarvattes. Aux abords de ces linéaires humides, des zones humides temporaires persistent, formant des poches de biodiversité précieuse.

La terre aussi porte les marques de son histoire. Les terrils, ces montagnes noires devenues familières, ont changé de rôle : ils servent aujourd’hui de refuge à une flore pionnière. On y croise des bouleaux, des orchidées, des genévriers et parfois, des chevreuils. Ces espaces, à la fois artificiels et spontanément recolonisés, sont de véritables laboratoires écologiques à ciel ouvert.

Hénin-Carvin, territoire marqué par l'industrie charbonnière, où la nature a persisté en marge des anciens équilibres.

les friches, nouveaux refuges du vivant

On les appelle friches, mais ce sont bien souvent des réservoirs de vie. En bord de voie ferrée, derrière une ancienne usine ou au cœur d’une zone en attente d’aménagement, ces espaces délaissés connaissent une effervescence insoupçonnée. Ils sont le théâtre d’un retour du sauvage, discret mais robuste.

Sur ces terrains, la végétation spontanée reprend ses droits : eupatoires, ronces, orties et arbres pionniers forment un couvert dense qui attire insectes, petits mammifères et oiseaux. Les papillons, longtemps absents de certains quartiers, reviennent. Les renards s’y installent. Les chauves-souris y trouvent des gîtes.

Au-delà de leur intérêt écologique, ces friches racontent aussi autre chose : elles témoignent d’un basculement dans notre rapport à l’espace. Longtemps vues comme des vides à combler, elles deviennent aujourd’hui des lieux de respiration, de régénération, de transition. Certaines communes commencent à les inventorier, à les étudier, à les préserver. D’autres y voient un potentiel pour de nouveaux usages doux, entre jardinage collectif, sentiers pédagogiques et corridors écologiques.

Les friches urbaines, refuges pour la biodiversité, voient revenir plantes sauvages, insectes, oiseaux et petits mammifères.

quand les habitants participent au vivant

La nature en ville ou en périphérie n’est pas qu’une affaire d’experts. Elle est aussi faite de gestes simples, d’attentions locales, de pratiques qui changent. À Hénin-Carvin, plusieurs initiatives témoignent de cette appropriation citoyenne de l’écologie.

Dans certaines écoles, des mares pédagogiques ont été créées, permettant aux enfants d’observer têtards, insectes aquatiques et cycles naturels. Des jardins partagés fleurissent dans les quartiers, souvent animés par des collectifs d’habitants ou des structures associatives. On y plante, on y composte, on y observe les saisons.

Des balades urbaines et naturalistes sont organisées par des animateurs locaux, pour redécouvrir les plantes des trottoirs, les arbres en ville ou les oiseaux des parcs. Ces actions modifient notre perception de la nature urbaine : elle n’est plus seulement décorative ou accidentelle, elle devient partenaire, ressource, sujet d’attention.

Les collectivités elles-mêmes évoluent. Certaines intègrent des critères de biodiversité dans leurs plans d’aménagement. Des fauches tardives sont pratiquées dans les espaces verts, pour laisser le temps aux plantes de fleurir et aux insectes de butiner. Ce sont des choix simples, mais qui signalent un changement de culture.

À Hénin-Carvin, des initiatives citoyennes illustrent l'appropriation locale de l'écologie en ville et en périphérie.

vers un territoire en transition écologique

La transition écologique n’est pas une abstraction ici. Elle prend forme dans des projets concrets, à différentes échelles : revalorisation des friches, désimperméabilisation de certaines zones urbaines, plantation de haies, restauration de zones humides ou création de sentiers nature.

À Courrières, un ancien terril a été en partie aménagé pour l’accueil du public tout en conservant sa fonction écologique. À Montigny-en-Gohelle, une coulée verte relie plusieurs quartiers à des espaces naturels. À Rouvroy, un travail de cartographie des continuités écologiques a été engagé pour guider les projets d’urbanisme.

Ces actions ne sont pas parfaites. Elles sont parfois lentes, partielles, confrontées à des freins techniques, économiques ou politiques. Mais elles existent. Et surtout, elles s’inscrivent dans une vision plus large : celle d’un territoire qui cherche à concilier ses héritages industriels, ses besoins sociaux, et l’urgence écologique.

Ce blog, Aqua&Terrain, se fait l’écho de ces dynamiques. Il ne s’agit pas d’idéaliser, ni de masquer les défis. Il s’agit de rendre visible, de valoriser ce qui existe déjà, de documenter ce qui bouge, et d’inviter à agir, ici et maintenant.

Car la nature n’est jamais loin. Elle est parfois cachée, parfois transformée, mais toujours capable de renaître. Encore faut-il apprendre à la regarder autrement.

Des jardins partagés à Hénin-Carvin, animés par des habitants et associations, favorisent le compostage et l’observation des saisons.