Protéger la nature à Hénin-Carvin : quelles lois pour quelles espèces ?

20/07/2025

Pourquoi réglementer la protection des espèces à Hénin-Carvin ?

Situé au cœur d’un ancien bassin minier, le territoire Hénin-Carvin n’a rien d’une nature sauvage lointaine : ici, les friches industrielles, petites zones humides et parcs urbains fourmillent d’une biodiversité souvent insoupçonnée. Renards, orchidées, papillons rares, chauves-souris… Autant d'espèces qui cohabitent parfois au milieu d’activités humaines encore très denses. Préserver cet équilibre fragile ne va pas de soi. Pour éviter la disparition locale ou totale d’espèces animales et végétales, des textes de loi, à différentes échelles, encadrent les pratiques, protègent certains sites, et imposent parfois des contraintes aux habitants ou aux usagers du territoire.

Selon l’Observatoire de la biodiversité des Hauts-de-France (source : Observatoire régional), plus de 160 espèces protégées régionalement ont été recensées sur le territoire voisin de Lens-Hénin — soit un patrimoine floristique et faunistique qui impose un certain nombre de précautions juridiques.

Un arsenal réglementaire multiscalaire : international, national, régional et local

L’encadrement de la protection des espèces sur Hénin-Carvin résulte d’un empilement de textes, complété selon les situations par des décisions locales. Pour s’y retrouver, distinguons quatre niveaux majeurs :

  • Les conventions internationales (Convention de Berne, de Bonn, CITES, etc.) : elles interdisent, par exemple, la commercialisation de certaines espèces ou la perturbation de leur habitat, même localement. Ainsi, la Convention de Berne protège plus de 500 espèces animales européennes, dont plusieurs présentes localement.
  • Le droit européen (notamment la Directive Habitats et la Directive Oiseaux) : responsables de la création des sites Natura 2000 et de la fixation de listes d’espèces et d’habitats prioritaires à préserver.
  • La législation nationale française : cadrée principalement par le Code de l’environnement, elle recense des espèces protégées (arrêtés du 23 avril 2007 et du 8 janvier 2021 notamment) et impose sanctions et restrictions (cueillettes, destruction d’habitat, dérangements…).
  • Les mesures régionales ou locales : via Natura 2000, plans de gestion de sites, arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB), et documents d’urbanisme (PLU, SRADDET…).

Ces protections s’appliquent potentiellement à toute action (travaux, aménagement, loisirs…) susceptible d’impacter une espèce ou son habitat, et concernent autant le grand public que les élus, aménageurs, agriculteurs ou entreprises.

Faune et flore concernées à Hénin-Carvin : espèces emblématiques et enjeux locaux

Concrètement, qu’est-ce qui est protégé sur le territoire ? Plusieurs listes existent, dont la consultation est possible sur le site de l’INPN pour les espèces et Biodiv’Ville pour les sites urbains. Quelques exemples emblématiques et enjeux :

  • Les amphibiens : Triton crêté, grenouille agile ou crapaud calamite, présents dans les mares des parcs périphériques, sont protégés à la fois nationalement et par des arrêtés locaux interdisant la destruction des habitats de reproduction.
  • Les orchidées sauvages : Orchis pyramidal, ophrys abeille, souvent discrètes sur les anciens terrils ou prairies de reconquête, figurent sur la liste des végétaux protégés du Pas-de-Calais.
  • Avifaune remarquable : Pie-grièche écorcheur, tarier pâtre, hirondelle de fenêtre — espèces craintives mais encore régulières sur les lignes électriques rurales ou les friches industrielles.
  • Chauves-souris : Parmi les 23 espèces recensées dans les Hauts-de-France, 8 peuvent être rencontrées dans la vallée de la Souchez et les villes du sud d’Hénin-Carvin. Elles bénéficient d’une protection intégrale : gêner une colonie (abatage d’arbres à massifs, rénovation de combles…) est susceptible d’amende.
  • Flore aquatique et zones humides : La Laîche faux Souchet ou le Jonc à fleurs, inféodés aux drains miniers, sont strictement réglementés, tout comme leurs milieux.

Selon Faune-Hauts-de-France, plus de 80 espèces protégées (hors oiseaux) ont été contactées dans l’agglomération de Hénin-Carvin ces 10 dernières années — un patrimoine qui engage la responsabilité de chacun.

Principales réglementations et textes en vigueur sur le territoire

Pour mieux appréhender la diversité des protections, quelques focus sur les textes les plus structurants pour le territoire :

La protection nationale des espèces : l’arrêté du 8 janvier 2021

  • Protection intégrale : Il est strictement interdit de détruire, mutiler, capturer ou perturber toute espèce figurant sur la liste nationale, à tous stades de développement (œufs, larves, adultes…). Texte de l’arrêté
  • Protection des habitats : Atteindre, détruire ou modifier le milieu de vie de ces espèces (mare, prairie, haie, arbre creux, etc.) est également interdit sans autorisation.
  • Sanctions : Les contrevenants s’exposent à 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (article L415-3 du Code de l’environnement).

Réglementations européennes : Natura 2000 et directives Oiseaux / Habitats

Si la Communauté d’agglomération Hénin-Carvin n’abrite pas de grandes zones Natura 2000 in situ, elle se trouve en proximité immédiate du site « Terrils du pays à part » et de la vallée de la Souchez, deux sites désignés notamment pour leurs populations d’oiseaux et de chiroptères. Cela impose :

  • Des évaluations d’incidences pour tout projet susceptible d’impacter ces zones (aménagement, urbanisme, infrastructure).
  • La possibilité de dérogations très encadrées, après étude environnementale et enquête publique.

Les arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB)

Le Pas-de-Calais dispose de plus de 45 APPB, parmi lesquels certains touchant directement ou indirectement Hénin-Carvin (notamment sur le plateau d’Hulluch et les abords de la Souchez). Ces arrêtés, disponibles sur le site de la Préfecture, réglementent l’accès ou précisent les activités interdites sur des milieux humides, landes à orchidées ou points de passage migratoires.

Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) et la prise en compte des espèces remarquables

Sur Hénin-Carvin comme ailleurs, les PLU intègrent dorénavant (obligation loi Biodiversité 2016) une « trame verte et bleue » : ce réseau vise à conserver la connectivité écologique des espaces naturels, en respectant la présence d’espèces protégées ou sensibles. Il s’agit concrètement d’éviter l’urbanisation de certains corridors de déplacement, prairies urbaines, boisements ou zones humides.

Comment ces réglementations s’appliquent au quotidien à Hénin-Carvin ?

Au-delà des textes, la mise en œuvre sur le terrain est souvent complexe, parce que croisant des usages variés (urbanisme, agriculture, loisirs, rénovation du bâti, etc.). Quelques exemples de situations courantes et obligations concrètes :

  • Travaux et aménagements : Toute opération de construction, voirie ou déboisement, même en terrain privé, doit vérifier la présence d’espèces protégées. En cas de doute, une étude environnementale peut être exigée (État ou DREAL). Par exemple, la rénovation d’un ancien corps de ferme utilisé par des hirondelles exige de maintenir un accès pour les nids.
  • Gestion des pelouses et prairies : Tonte tardive, maintien de zones non fauchées, signalétique spécifique pour les espaces à orchidées : les gestionnaires d’espaces verts doivent adapter leur pratique, sous contrôle de la police municipale et de la DDTM.
  • Usagers et particuliers : Interdiction de cueillir orchidées et certaines plantes (voire de les déplacer), de remplis artificiellement mares ou fossés, ou de détruire nids et terriers, même accidentellement.
  • Associations et naturalistes : Les inventaires et interventions sur certaines espèces protégées nécessitent dérogation préfectorale. L’observation passive, en revanche, est libre.

Le non-respect de ces réglementations peut donner lieu à des plaintes, contrôles et sanctions, même sur des signalements de riverains ou d’associations locales (LPO, CEN, GON…).

Cas particulier : le code rural et la régulation des espèces dites « nuisibles »

Certaines espèces, comme le renard roux ou la fouine, peuvent faire l’objet de régulation dans des conditions strictement encadrées par arrêté préfectoral annuel. Mais là aussi, la destruction des jeunes ou des abris pendant la période de reproduction reste strictement interdite.

Des exemples récents : comment la réglementation a protégé ou influencé la biodiversité locale ?

  • Projet de réaménagement des abords du Parc des Iles à Rouvroy : Retardé en 2022, faute d’étude d’incidence Natura 2000 suffisante ; l’inventaire de chauves-souris, en particulier Pipistrellus pipistrellus, a nécessité des ajustements de travaux en période estivale.
  • Sauvetage de mares sur le terril de Drocourt : Grâce à la mobilisation de citoyens et d’associations, la destruction d’un réseau de mares à tritons a été stoppée, le porteur de projet s’étant exposé à une procédure pénale suite à l’absence d’autorisation.
  • Aménagement doux de zones humides : Plusieurs communes de la C.A.H.C. ont développé des projets de sentiers pédagogiques incluant la pose de passerelles et la délimitation de zones sensibles pour protéger des pontes d'amphibiens (Launoy, Hénin-Beaumont).

Pour aller plus loin : s’informer, alerter, participer

Mieux connaître la réglementation, c’est aussi mieux la faire appliquer. Pour cela, plusieurs outils sont à disposition des habitants, associations ou élus :

Comprendre la loi, c’est construire le territoire de demain

La protection réglementaire des espèces à Hénin-Carvin tisse aujourd’hui un véritable filet de sécurité autour d’une nature encore trop discrète, mais partout vivante. Derrière chaque contrainte, chaque arrêté ou bureau d’étude, ce sont autant d’occasions pour tous — habitants, collectivités, urbanistes, promeneurs — de renouer avec l’ordinaire du vivant, et de transformer durablement notre lien au territoire. Car chaque loi, loin d’être une simple contrainte administrative, révèle aussi la magie fragile d’un papillon ou d’un crapaud surgissant au détour d’un chemin.

Pour toute question ou expérience, il est possible de s’adresser aux naturalistes locaux, ou de fouiller la réglementation via les liens cités. Faire grandir la biodiversité ici est à la portée de chacun, dans le respect de ce qui fait la singularité d’Hénin-Carvin.

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