Les plantes aquatiques indispensables : actrices majeures de nos milieux humides

31/10/2025

Comprendre les plantes aquatiques : un monde à part

Une plante aquatique est, par définition, adaptée à la vie partielle ou totale dans l’eau. Certaines flottent à la surface, d’autres sont enracinées dans la vase, d’autres encore vivent sous l’eau. Cette diversité permet aux plantes de coloniser toutes les niches, des mares aux rivières lentes, en passant par les fossés périurbains ou industriels typiques du bassin minier. Mais au-delà de leur plasticité, elles partagent une capacité à changer profondément leur environnement.

Type de plante aquatique Rôle principal Exemples locaux
Submergées Oxygénation, abri pour la faune Myriophylle, Élodea
Flottantes Épuration, ombrage Nymphéa, Lemna
Emergées Fixation des berges, refuge Roseau, Massette

Le rôle écologique des plantes aquatiques

  • Stabilisation des berges : Les racines d’espèces comme le roseau commun (Phragmites australis) empêchent l’érosion, protègent les zones basses et fixent la vase.
  • Amélioration de la qualité de l’eau : Beaucoup d’espèces filtrent ou absorbent les polluants (nitrates, phosphates, métaux lourds). L’élodée du Canada, par exemple, est un véritable « rein naturel » pour de nombreux étangs.
  • Oxygénation : Les espèces submergées comme la renoncule aquatique (Ranunculus aquatilis) libèrent de l’oxygène dissous, indispensable à la vie aquatique.
  • Support à la biodiversité : Nénuphars, sagittaires et autres accueillent insectes, batraciens, poissons et oiseaux d’eau. Un hectare de mare bien végétalisée abrite plusieurs milliers d’organismes !
  • Régulation du climat local : Les plantes de surface modèrent l’évaporation et le réchauffement de l’eau par leur ombrage.

Selon l’Observatoire national de la biodiversité (ONB), une mare avec flore aquatique dense peut héberger 40% d’espèces en plus qu’un plan d’eau à végétation clairsemée (biodiversite.gouv.fr). Dans le Pas-de-Calais, le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) estime que les roselières et ceintures de phragmites sont essentielles pour 65% des populations locales d’amphibiens.

Les espèces essentielles à (re)découvrir

Les grandes architectes : roselières, massettes et laîches

Le long des berges de la Deûle ou des mares des terrils, les roselières sont parmi les milieux les plus riches et les plus emblématiques. Le roseau (Phragmites australis) peut former de véritables forêts mouvantes, parfois sur plusieurs hectares. Ces roselières protègent les frayères de grenouilles et d’anguilles, servent de « maternité » à nombre d’espèces, et freinent la propagation des vagues (utile sur les grands plans d’eau urbains).

La massette à larges feuilles (Typha latifolia) complète ce travail. Elle agit comme une barrière filtrante, captant les excès d’azote agricole. Les laîches (Carex spp.), elles, stabilisent les berges tout en offrant un abri aux oisillons, invertébrés et même aux hérissons venus s’abreuver dans les fossés !

Les submergées : oxygénation et épuration

L’élodée (espèce indigène ou introduite comme Elodea canadensis, très présente dans le bassin minier) joue un rôle majeur dans l’oxygénation des petits plans d’eau. Souvent redoutée pour son expansion rapide, elle stabilise pourtant la qualité de l’eau, atténuant les effets d’eutrophisation. À ses côtés, les myriophylles (Myriophyllum spicatum) tissent des forêts miniatures où les larves de libellules, les alevins et les dytiques trouvent refuge.

  • Un seul mètre-carré d’élodée peut produire jusqu’à 10 g d’oxygène par heure lors de l’ensoleillement maximal (source : UICN 2019).

Les flottantes et hémicryptophytes : beauté, alimentation, refuge

Le nénuphar jaune (Nuphar lutea) et le nymphéa blanc (Nymphaea alba) ornent nombre de mares et bras morts de la région. Leur feuillage dense absorbe le rayonnement solaire, empêchant la prolifération des algues vertes filamenteuses : un nénuphar peut ombrager jusqu’à 1,5 m² d’eau en juin.

La lentille d’eau (Lemna minor), bien qu’envahissante, nourrit canards, poules d’eau et poissons. Moins connue, la sagittaire à feuilles en flèche (Sagittaria sagittifolia) stabilise les boues au printemps, tout en fournissant abri et nourriture à une multitude d’insectes spécialisés.

Des chiffres qui parlent : l’importance concrète des plantes aquatiques

  • En Europe, les zones humides colonisées par les plantes aquatiques hébergent 80 % des espèces d’oiseaux d’eau nicheuses (Convention Ramsar).
  • Un hectare de roselière peut absorber jusqu’à 3 tonnes de matières sédimentaires par an (INPN).
  • En France, plus de 60 % des amphibiens menacés sont dépendants directement de la présence de végétation aquatique (Société nationale de protection de la nature).

Les menaces et la nécessité de préserver ces espèces

L’introduction de certaines plantes exotiques (élodée du Canada, jussie) déséquilibre parfois les milieux, conduisant à la disparition des espèces locales. Le recul des zones humides (on estime que la France a perdu 67 % de ses zones humides en deux siècles, EauFrance) fragilise encore davantage ces plantes. Pollution agricole, dragage trop intensif des fossés, piétinement et urbanisation sont aussi des menaces majeures.

  • En 2012, 20 % des mares inventoriées en Pas-de-Calais n’hébergeaient plus de plantes aquatiques autochtones (source : CEN Nord-Pas-de-Calais).
  • Les espèces invasives auraient progressé de 11 % par an dans les plans d’eau urbains du territoire entre 2005 et 2020 (Agence de l’eau Artois-Picardie).

Observer ces plantes et agir localement

  • Inventorier les plantes : La plupart des communes disposent de plans d’eau publics, facilement observables en toutes saisons. Durant les sorties associatives, la découverte des nymphéas, sagittaires ou potamots est un bon prétexte à la découverte naturaliste.
  • Protéger les milieux : Limiter le curage des fossés à l’automne, maintenir des zones sans fauche, favoriser la plantation de roseaux dans les mares ou friches inondables sont autant de gestes bénéfiques.
  • Sensibiliser : La pédagogie auprès des écoles, via des projets « mares pédagogiques », permet de faire naître un regard neuf sur ces plantes souvent perçues comme « des mauvaises herbes ».

Dans le secteur d’Hénin-Carvin, la création d’abris flottants pour amphibiens et la restauration de mares communales sont deux exemples récents d’actions intégrant le rôle crucial des plantes aquatiques, appuyées par le Parc naturel urbain.

Perspectives : pour des milieux humides vivants et résilients

Préserver, restaurer, observer les plantes aquatiques, c’est investir dans la résilience des milieux face au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Ces espèces participent à la beauté du paysage local, mais aussi à sa robustesse écologique. Dans chacune de nos balades, nous avons l’occasion d’ouvrir l’œil et, pourquoi pas, de contribuer à leur protection par des gestes simples ou en participant à des actions.

Derrière les silhouettes familières des roseaux, des myriophylles ou des nénuphars, se cachent des alliances écologiques subtiles, que la région d’Hénin-Carvin exprime avec la vigueur de la nature retrouvée. Cultiver ces savoirs locaux, c’est s’ancrer dans la protection du vivant, pour aujourd’hui et pour demain.

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