Oiseaux de berges et zones humides : compagnons discrets de la nature à Hénin-Carvin

01/11/2025

Introduction : Un paysage d’eau et de vie

À Hénin-Carvin, le dialogue entre l’eau et la terre façonne des paysages uniques. Rivières, mares de terril, bassins de gestion des crues, canaux oubliés composent un réseau précieux de zones humides. Ces milieux attirent oiseaux locaux et migrateurs, offrant le spectacle incessant d’une vie en mouvement. Observer les oiseaux de berges, c’est saisir la dynamique discrète de ce lien entre l’eau et le monde vivant.

Des milieux en mosaïque : comprendre les habitats

Les zones humides du territoire sont variées. Elles se déclinent en trois types principaux :

  • Berges de canaux et rivières : rivières canalisées, fossés, bras morts avec végétation flottante, roselières, arbustes riverains.
  • Plans d’eau et mares : bassins de décantation, anciennes sablières, friches hydriques issues de l’histoire minière locale.
  • Biennes alluviales et prairies humides : bandes enherbées régulièrement inondées, pâtures temporaires, talus humides.

Chaque type de milieu attire des espèces spécifiques, selon la profondeur de l’eau, la présence de végétation, la tranquillité, et la connectivité écologique.

Selon la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), les zones humides accueillent près de 40% des espèces d’oiseaux nicheuses françaises, alors qu’elles ne représentent que 6% du territoire (LPO, Atlas des oiseaux de France).

Portraits des oiseaux fréquentant berges et zones humides

Les incontournables : hérons, foulques et canards

  • Le Héron cendré (Ardea cinerea) : Maître du contre-jour au lever du soleil, il attend immobile le passage d’une proie. Depuis 30 ans, sa population est en nette progression dans la région grâce au retour de milieux humides de qualité (Source : INPN, évolution de la population de héron cendré en France).
  • Le Canard colvert (Anas platyrhynchos) : Résident omniprésent, il parade dès février. Les chapelets de canetons sur le canal du Noir-Bourbier sont l’image du printemps local.
  • La Foulque macroule (Fulica atra) : Un croisement express sur l’eau, ponctué de cris aigus. Plus petite que le canard mais farouche, elle affectionne les nappes de lentilles d’eau et roseaux abrités.

À Hénin-Carvin, les comptages LPO dénombrent en hiver jusqu’à 110 hérons cendrés répartis sur moins de 7 km de berges lors des suivis hivernaux (LPO Pas-de-Calais, 2021).

L’élégance discrète : grèbes, poules d’eau et bécassines

  • Le Grèbe huppé (Podiceps cristatus) : Son ballet nuptial est un immanquable en mars-avril. Il niche sur les grands plans d’eau issus des anciens carreaux de mines, comme à Hénin-Beaumont.
  • La Poule d’eau (Gallinula chloropus) : Grise et noire, son reflet furtif traverse les berges touffues, presque toujours accompagnée de ses jeunes à la démarche pataude. Elle affectionne les fossés secondaires et jardins inondés.
  • La Bécassine des marais (Gallinago gallinago) : Habituée des prairies trempées, son vol en zigzag trahit sa présence à l’automne et au printemps, souvent dans les friches humides entre Dourges et Courrières.

Le grèbe huppé a recolonisé 90% des plans d’eau artificiels du bassin minier depuis 1980 (Synthèse ONCFS, oiseaux d’eau en France, 2022).

Petits échassiers : sprinteurs, bruiteurs et fins limiers

  • Le Chevalier guignette (Actitis hypoleucos) : Petit limicole, il patrouille le long des rives boueuses du canal l’été. Sa silhouette basse, en quête d’insectes, est facilement reconnaissable.
  • L’Échasse blanche (Himantopus himantopus) : Belle surprise printanière, elle colonise certaines friches humides en migration, avec ses longues pattes rouges et son vol puissant. Moins de 60 couples nichent dans les Hauts-de-France reste une rareté (Espèces déterminantes Natura 2000).
  • Le Vanneau huppé (Vanellus vanellus) : Superbe acrobate aérien, il peuple les prairies périurbaines temporaires inondées, particulièrement visible lors des crues printanières.

Des passereaux liés à l’eau : fauvettes et rousserolles

  • La Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus) : Chaque touffe de roseau peut héberger son nid suspendu, invisible au premier regard. Son chant caractéristique, mi-miaulement, mi-sifflement, rythme l’aube estivale.
  • La Fauvette des jardins (Sylvia borin) : Fréquente les haies humides, alimentant ses petits de chenilles et d’araignées glanées dans la ripisylve.

Au total, ce sont près de 70 espèces dénombrées sur les milieux humides du Bassin Minier, sans compter les migrateurs accidentels (Source : Atlas des oiseaux du Nord - Pas-de-Calais, Biotope Editions, 2016).

Espèces emblématiques et anecdotes locales

  • Le Martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) : Un éclat turquoise sur fond de brouillard, il fréquente les berges abruptes bordant la Deûle et les biefs. La création de talus sablonneux favorise sa nidification. Un couple peut consommer plus de 700 petits poissons en une seule saison de reproduction.
  • La Locustelle tachetée (Locustella naevia) : Son chant aigu, quasi mécanique, anime les prairies humides du bas-pays courant mai. Espèce aujourd'hui classée "vulnérable" aux plans européen et régional (UICN France).
  • L’Aigrette garzette (Egretta garzetta) : Plus rare, elle se rencontre lors des assecs ou à la faveur d’inondations saisonnières. Devenue symbole du retour de la biodiversité suite à des efforts de dé-pollution des plans d’eau miniers.

Menaces et dynamiques : des équilibres fragiles

Si la diversité locale force l’admiration, les populations d’oiseaux d’eau demeurent fragiles :

  • Artificialisation et drainage : Entre 1950 et 2010, 63% des zones humides du Pas-de-Calais ont disparu ou trop rétréci (Synthèse Zones Humides, Conseil départemental 2018).
  • Pollution : Les plans d’eau de gestion urbaine présentent de fortes charges en nitrates, ce qui déséquilibre la chaîne alimentaire et diminue la survie des poussins.
  • Changements climatiques : Des périodes de sécheresse prolongées, constatées sur 7 des 10 dernières années, assèchent mares et canaux à la mauvaise saison, perturbant la reproduction (Source : Observatoire Régional Climat Eau).
  • Dérangement : La fréquentation humaine non maîtrisée (promeneurs hors sentiers, chiens non tenus) perturbe la nidification de nombreuses espèces sensibles, dont le grèbe huppé et la rousserolle.

Observer sans déranger : conseils pratiques

  1. Respecter les distances : depuis un chemin, ne pas chercher à s’approcher des nids ou zones de regroupement.
  2. Favoriser l’observation tôt le matin ou en soirée : là où les oiseaux sont plus actifs et la tranquillité assurée.
  3. Utiliser jumelles et téléobjectifs pour garder une observation discrète, en privilégiant un couvert végétal pour se fondre dans le paysage.
  4. Pour les photographes : privilégier la patience plutôt que la poursuite des oiseaux, observer la lumière naturelle et adapter son approche aux saisons.

Des observatoires, comme ceux de la Scarpe ou du parc du Mont-Perrin, offrent des points d’observation privilégiés à Hénin-Carvin.

Ressources et implication locale

  • Participer aux comptages participatifs LPO, généralement organisés en janvier et juin : expérience collective et précieuse pour le suivi des populations.
  • Diffuser et partager ses observations sur la plateforme Faune-France ou via l’application Oiseaux des Jardins.
  • S’informer via des guides de référence :
    • « Oiseaux des zones humides », Delachaux & Niestlé
    • Atlas des oiseaux du Nord-Pas-de-Calais, Biotope Editions
    • Fiches locales de la LPO Pas-de-Calais

Les efforts citoyens se révèlent déterminants : chaque observation comptabilisée, chaque protection de berge végétalisée, contribue à la sauvegarde de ce patrimoine vivant local.

Il reste tant à découvrir...

La mosaïque des zones humides de Hénin-Carvin cache des trésors ornithologiques à portée de regard. À photographier un martin-pêcheur ou écouter au crépuscule l’écho discret du butor étoilé, c’est toute une part méconnue du territoire qui se révèle. Pour beaucoup de jeunes naturalistes, une première rencontre avec le héron ou la grèbe marque un émerveillement fondateur.

Les berges et friches de nos rivières, patrimoines naturels et héritage industriel réconciliés, offrent aujourd’hui des refuges où chaque promeneur, étudiant ou élu peut goûter la richesse d’une biodiversité encore bien plus proche qu’on ne l’imagine.

L’agenda local recèle encore d’innombrables rendez-vous ornithologiques et de sorties nature guidées : il suffit de s’arrêter, d’ouvrir l’œil et l’oreille, pour devenir soi-même témoin actif de cette vie foisonnante... et peut-être bientôt, contributeur enthousiaste de connaissances partagées.

Sources : Atlas des oiseaux du Nord-Pas-de-Calais, LPO, INPN, Observatoire Régional Climat Eau, Conseil Départemental du Pas-de-Calais, ONCFS, Biotope Editions.

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