Mares urbaines : des oasis vivantes pour la biodiversité entre béton et trottoirs

30/08/2025

Les mares urbaines : diversité de formes, diversité d’usages

Selon l’Observatoire des mares (Société Nationale de Protection de la Nature), plus de 50% des mares françaises ont disparu en deux siècles – un chiffre frappant qui pèse lourd sur la biodiversité locale (SNPn Mares). Les mares urbaines, loin d’être des vestiges inutiles, constituent aujourd’hui des refuges vitaux.

  • Mares récréatives : intégrées dans les parcs urbains ou dans la cour des écoles, elles sensibilisent les plus jeunes à la vie aquatique.
  • Mares patrimoniales : issues d’anciens jardins ouvriers du bassin minier, elles témoignent d’un héritage local et d’usages liés à l’eau.
  • Mares de gestion des eaux pluviales : appelées “noues” ou “bassins d’orage”, elles conjuguent utilité hydraulique et naturalité.

Quel que soit leur point de départ, ces mares favorisent spontanément l'installation d'espèces rares ou généralistes. Leur principal atout ? Offrir une mosaïque d’habitats spécifiques à l’interface de l’eau et de la terre.

Un refuge pour la petite faune… et plus si affinités

En ville, la moindre mare se transforme en réservoir de vie. Une étude menée sur Lille Métropole recense plus de 110 espèces animales sur un échantillon d’une dizaine de mares urbaines (CBNBl, 2022). Parmi elles, on croise :

  • Des amphibiens menacés : le triton alpestre, la grenouille agile et le crapaud calamite, espèces aujourd’hui sur liste rouge régionale (UICN France)
  • Une multitude d’invertébrés aquatiques : libellules (plus de 15 espèces recensées localement), dytiques, notonectes et multiples larves d’insectes aquatiques
  • Des oiseaux d’eau : canard colvert, gallinule poule-d’eau, héron garde-bœufs, mais aussi nicheurs de milieux humides comme la rousserolle effarvatte
  • Petite faune terrestre associée : hérissons, belettes, musaraignes et batraciens qui profitent des abords végétalisés pour se nourrir

En France, 35 % des amphibiens et 17 % des libellules sont aujourd’hui menacés (UICN France, Rapport 2020), en partie à cause de la disparition de leurs habitats aquatiques. La présence ou le maintien de mares, même de quelques mètres carrés, crée des “ponts” de vie essentiels au sein même du tissu urbain.

Des réservoirs de biodiversité végétale

Côté flore, la richesse des mares urbaines étonne souvent les visiteurs. Sur un inventaire mené dans les Hauts-de-France, on relève en moyenne 25 à 40 espèces végétales par mare urbaine (ORE Hauts-de-France, 2021). Au fil des saisons, on retrouve :

  • Potamots et myriophylles offrant refuge et nourriture aux insectes
  • Joncs, iris et massettes stabilisant les berges et filtrant l’eau
  • Orchidées (notamment l’orchis tacheté) sur les rives ensoleillées d’anciens bassins miniers de la région

Certaines plantes inféodées comme la utriculaire ou la renouée amphibie trouvent là l’un de leurs derniers habitats viables en ville. Ces plantes participent activement à “l’épuration biologique” des eaux, piégeant sédiments, nitrates et polluants, et créant un microclimat plus favorable pour toute la chaîne du vivant.

Des corridors écologiques en pleine ville

La fragmentation des habitats, due aux routes, clôtures et infrastructures urbaines, met la faune et la flore sous pression. Les mares – reliées entre elles par des bandes végétalisées, fossés ou talus – deviennent alors de véritables “stepping stones” (points-relais) permettant le déplacement des espèces :

  • Les amphibiens, qui parcourent parfois jusqu’à 600 mètres pour rejoindre un point d’eau en période de reproduction (Source : la Salamandre, n°276, 2021)
  • Les insectes aquatiques, qui se déplacent d’une mare à l’autre, enrichissant la diversité génétique du secteur
  • Les oiseaux qui utilisent les ripisylves urbaines (bords de mares) comme haltes pendant la migration

À l’échelle du Grand Hénin-Carvin, la cartographie menée par le CPIE Chaîne des Terrils (2022) révèle que les mares urbaines forment un maillage écologique précieux, constituant de véritables “nœuds” entre les corridors verts du territoire.

Mares urbaines et éducation à la nature : un impact au-delà de la biodiversité

Les acteurs éducatifs et associatifs locaux constatent que la simple présence d’une mare – même réduite – favorise une prise de conscience écologique. Plus de 800 élèves sensibilisés sur Hénin-Carvin entre 2019 et 2023 par l’Éducation à l’Environnement (Eden 62, bilan animation 2023) témoignent de rencontres marquantes :

  1. Observation de la métamorphose des têtards, connectant enfin un cycle appris en classe à la réalité du vivant
  2. Ateliers “safaris aquatiques” pour inventorier la diversité d’insectes
  3. Actions de nettoyage, de plantation de plantes indigènes ou de pose de radeaux pour grenouilles

Au-delà de leur intérêt strictement biologique, les mares urbaines jouent donc un rôle social, éducatif, et favorisent un engagement citoyen local, pierre angulaire de la transition écologique de proximité.

Lignes de fragilité : les menaces pesant sur ces refuges

Si la valeur écologique des mares urbaines n’est plus à prouver, leur fragilité l’est tout autant. Plusieurs facteurs menacent ces habitats, souvent “oubliés” dans les politiques urbaines :

  • Remblaiement ou assèchement pour des raisons pratiques (projets immobiliers, création de parkings, lutte contre les moustiques)
  • Pollution diffuse : ruissellement d’hydrocarbures, de sels, d’engrais ou d’eaux usées provoquant des mortalités animales ou la prolifération d’algues toxiques
  • Espèces exotiques envahissantes : la jussie, la grenouille taureau ou certaines carpes détruisent l’équilibre biologique très fragile de ces écosystèmes en vase clos
  • Entretien inadapté : curages intempestifs, fauches des berges pendant la période de reproduction, destruction involontaire des frayères

Selon l'association “Mares, Patrimoine Naturel” (mares-info.fr), près de 30 % des mares urbaines subsistantes sont en situation de dégradation modérée à sévère dans les Hauts-de-France.

Des pistes d’action pour préserver et renforcer le rôle des mares en ville

Face à ces défis, de plus en plus de collectivités et d’associations agissent. Les solutions efficaces et reproductibles existent :

  • Création ou restauration participative : Avec les habitants, réhabilitation de zones humides dégradées, plantation de végétaux locaux, installation d’hôtels à insectes et refuges à amphibiens (voir à Courrières et Montigny-en-Gohelle)
  • Sensibilisation continue : Panneaux pédagogiques, sorties “nuit de la grenouille”, ateliers de reconnaissance des plantes aquatiques
  • Gestion écologique concertée : Suivi de la qualité de l’eau, limitation des pesticides et gestion différenciée, bannissement du curage systématique hors période sensible
  • Aménagements paysagers intelligents : Création de mares “paliers” pour favoriser la naturalité, aménagement de rives douces et connectivité aux autres espaces verts

Le label “Mares Remarquables” initié par plusieurs collectivités en France récompense depuis 2021 les démarches exemplaires conduites dans les communes (Fédération des Mares).

Vers une redécouverte sensible de nos mares urbaines

Loin d’être de simples plans d’eau anecdotiques, les mares urbaines participent activement au réenchantement de la nature en ville. Elles renouent avec le passé (parfois ouvrier, souvent rural), mais inventent aussi le futur d’une ville écologique. Elles offrent à portée de pied un condensé de complexité vivante, là où chacun peut s’arrêter, observer – parfois pour la première fois – tout un monde qui palpite à la surface et sous l’eau.

Valoriser, protéger, restaurer les mares urbaines, c’est faire le choix d’une ville résiliente, où chaque goutte d’eau devient un espace d’émancipation de la biodiversité – et une occasion d’émerveillement pour petits et grands.

Pour en savoir plus ou participer à la cartographie des mares urbaines de Hénin-Carvin, contactez les associations locales ou votre mairie.

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