Sur la trace des insectes protégés : habitats naturels et enjeux locaux

09/07/2025

Pourquoi protéger les insectes ? Statuts et chiffres

Les insectes représentent près de 80 % de la diversité animale mondiale (Nature, 2020) : papillons, coléoptères, libellules, abeilles… Leur rôle écologique est crucial : pollinisation, dégradation de la matière, alimentation d’autres animaux. Pourtant, un rapport de l’IPBES (2019) estime que 41 % des espèces d’insectes mondiales déclinent, et que 10 % pourraient disparaître dans les prochaines décennies.

Face à la raréfaction de certains groupes, la France a instauré plusieurs niveaux de protection :

  • Protection nationale: arrêtés ministériels (modifiés régulièrement) qui interdisent notamment la capture, le transport ou la destruction d’espèces inscrites.
  • Protection européenne: Directive Habitats-Faune-Flore, englobant certaines libellules, papillons ou coléoptères.
  • Listes rouges: Inventaires scientifiques signalant les espèces menacées, même lorsqu’elles ne sont pas (encore) protégées légalement.

En 2022, 150 espèces d’insectes bénéficiaient d’une protection réglementaire totale ou partielle en France (INPN).

Milieux naturels et espèces emblématiques du Nord–Pas-de-Calais

Notre région, façonnée par son histoire industrielle et ses paysages variés, regorge de micro-habitats refuges pour ces espèces fragiles. Voici quelques familles, espèces phares et les sites où partir à leur rencontre.

1. Prairies maigres, terrils et friches fleuries

  • Papillons protégés:
    • Azuré du serpolet (Phengaris arion): Présent dans quelques coteaux secs du bassin minier, il est inféodé aux prairies riches en origan et en serpolet, souvent sur d’anciens terrils reconvertis.
    • Damier de la succise (Euphydryas aurinia): Rare dans la région, affectionne les landes humides ou les prairies de fauche, parfois retrouvées sur certains sites ENS du territoire.

2. Zones humides et bords de mares

  • Libellules notables:
    • Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis): Ce joyau des mares acides et tourbières est inscrit à l’annexe II de la Directive Habitats. Localement, on peut parfois la voir près de la Scarpe ou dans les fonds de vallée préservés.
    • Aeshne isocèle (Aeshna isoceles): Observée ponctuellement dans les marais, cette libellule bénéficie d’un suivi régional en raison de sa rareté (PatriNat).

3. Forêts claires, bocages et vieux arbres

  • Coléoptères saproxyliques:
    • Rosalie des Alpes (Rosalia alpina): Protégée en France et en Europe, très rare dans le Nord, mais citée sur de vieux hêtres ou chênes en décomposition dans quelques zones forestières patrimoniales.
    • Pique-prune (Osmoderma eremita): Coléoptère d’intérêt européen, il vit dans le terreau des cavités des arbres âgés. Son observation signale des forêts ou bocages préservés, comme au Bois des Cinq-Tailles ou certaines haies relictuelles du secteur.

4. Landres, dunes et coteaux secs

  • Orthoptères et autres invertébrés:
    • Courtilière (Gryllotalpa gryllotalpa): Protégée, elle affectionne les sols meubles, souvent dans les landes ou zones non retournées près des zones humides.
    • Grillons champêtres: Certains grillons jouissent d’une protection locale, précieux bio-indicateurs des milieux ouverts et raréfiés par l’intensification agricole.

Quelques histoires régionales : entre raréfaction et redécouvertes

La migration des espèces protégées suit souvent les transformations paysagères : urbanisation, usages agricoles, réchauffement climatique, mais aussi politiques de protection et de restauration.

  • En 2017, la Leucorrhine à gros thorax a fait sa première réapparition depuis des décennies sur une gravière restaurée du Nord-Pas-de-Calais. Sa présence, indicateur d’un bon fonctionnement écologique des zones humides, a conduit à la création de zones tampons par les acteurs locaux (Eden 62).
  • Sur les terrils de Loos-en-Gohelle, des prospections annuelles révèlent chaque printemps plusieurs dizaines d’espèces de papillons rares, dont certains à statut protégé régional, fruit d’une gestion différenciée innovante (fauche tardive, pâturage, création de mares temporaires).
  • La Rosalie des Alpes, donnée comme disparue du Nord, a été signalée accidentellement en 2012 lors de travaux paysagers sur un vieux chêne, suscitant un programme temporaire de conservation des bois morts sur site.

Comment reconnaître et respecter un insecte protégé ?

  • Se référer aux listes officielles de l’INPN pour connaître le statut de chaque espèce rencontrée.
  • Apprendre les critères d’identification clés (taille, couleur, habitat, période de vol ou d'activité). De nombreux guides téléchargeables existent gratuitement (PatriNat).
  • Contribuer : la plupart des associations naturalistes (GON, CPIE, Eden 62) acceptent les signalements et observations avec photos pour mieux cartographier les espèces.
  • Respecter la législation : toute capture, collecte ou destruction d’espèces protégées est pénalement répréhensible (article L415-3 du code de l’environnement : jusqu'à 150 000 € d'amende et 3 ans de prison).

Préserver les milieux pour sauvegarder les espèces : le rôle fondamental des habitants

La préservation des insectes protégés ne repose pas seulement sur des textes de loi ou des experts, mais aussi sur les actions collectives et locales. Quelques pistes simples et concrètes :

  • Limiter l’usage de pesticides, y compris dans les jardins particuliers.
  • Promouvoir la gestion différenciée des espaces verts : fauche tardive d’une partie du jardin, maintien de bois mort, création de mares ou d’abris à insectes.
  • Participer à une sortie nature ou à des suivis participatifs organisés par les associations (ex : “Nuit des papillons”, inventaires des mares…).
  • Sensibiliser son entourage, notamment les enfants, par l’observation et la découverte, et non la capture systématique.
  • Accepter l’imperfection d’un lieu riche en biodiversité : zones “pas tondues”, herbes folles, souches ou branches mortes sont souvent des refuges irremplaçables pour les insectes menacés.

Des insectes protégés si proches : changer notre regard sur le quotidien

Les insectes protégés ne sont pas des reliques du passé ou des curiosités exotiques. Ils témoignent d’une nature résiliente, parfois à nos portes, au détour d’un sentier, dans le recoin d’un vieux muret ou sur la végétation d’une friche. Savoir où et comment les observer, c’est aussi réapprendre à regarder le territoire autrement. Dans le secteur d’Hénin-Carvin, chaque promenade est l’occasion d’un pas vers la découverte… et la préservation.

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