Ces herbes qui poussent sur les trottoirs : trésors urbains à préserver

12/05/2025

Un regard neuf sur les “mauvaises herbes”

Avant tout, rappelons ce que sont ces fameuses herbes dites "mauvaises". En réalité, ce terme est trompeur et empreint d'une certaine perception culturelle. Une herbe spontanée est simplement une plante qui pousse sans intervention humaine, souvent dans des endroits inattendus. Mais le fait qu'elles s'invitent là où on ne les attend pas les rend trop souvent synonymes de nuisances.

Historiquement, l’entretien des villes reposait beaucoup sur l’usage de désherbants chimiques, notamment les herbicides à base de glyphosate. Mais aujourd’hui, face à l’urgence climatique et à la prise de conscience écologique, un changement de regard s’amorce. En témoigne la loi Labbé, entrée en vigueur en France en 2017, qui interdit aux collectivités locales l’usage de produits phytosanitaires dans les espaces publics. Ces herbes, autrefois ennemies des balais mécaniques, commencent enfin à retrouver leur légitimité.

Quelles espèces retrouve-t-on sur nos trottoirs ?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la diversité des plantes spontanées en milieu urbain est étonnante. Voici quelques espèces que vous avez sûrement croisées sans y prêter attention :

  • Le pissenlit (Taraxacum officinale) : Cette plante vivace reconnaissable à ses feuilles dentées et ses fleurs jaunes est une championne de la résilience. Ses racines profondes permettent d’aérer le sol, et elle offre une nourriture précieuse aux insectes pollinisateurs.
  • La pariétaire (Parietaria judaica) : Souvent visible sur les murs et trottoirs, cette plante discrète est capable de pousser sur les substrats les plus pauvres. Elle enrichit les sols en matière organique et attire une faune variée.
  • L’herbe à Robert (Geranium robertianum) : Ce petit géranium sauvage, avec ses fleurs rose vif, illumine souvent les coins d’ombre et joue un rôle important dans la stabilisation des sols.
  • Le plantain (Plantago major ou minor) : Ce « mal-aimé » des trottoirs est connu pour ses vertus médicinales, notamment calmantes et cicatrisantes.
  • Le séneçon commun (Senecio vulgaris) : Facilement identifiable avec ses inflorescences jaunes, il est l’un des premiers à coloniser les fissures urbaines.

Ces plantes ne se contentent pas de survivre en milieu urbain, elles s'y épanouissent et contribuent à la préservation d'écosystèmes souvent fragilisés par l'activité humaine.

Pourquoi préserver ces herbes spontanées ?

1. Un refuge pour la biodiversité

Les plantes spontanées abritent et alimentent de nombreux insectes, tels que les abeilles, bourdons, et papillons. Dans des espaces denses comme ceux d'Hénin-Carvin, où la nature semble parfois exiguë, elles constituent des refuges essentiels pour cette faune urbaine. Par exemple, les pissenlits fournissent du nectar dès le début du printemps, à un moment où peu d'autres fleurs sont disponibles. Ce micro-habitat fait partie intégrante des trames vertes — ces corridors écologiques cruciaux en milieu urbain.

2. Une meilleure qualité de l'air

On ignore souvent que les plantes spontanées contribuent à la qualité de l’air en absorbant du dioxyde de carbone (CO2) et d’autres polluants comme les oxydes d’azote. Certaines d'entre elles, comme la pariétaire, sont également capables de capter les particules fines, rendant l'air un peu plus respirable dans nos centres urbains.

3. L’érosion du sol freinée

Les racines de ces herbes permettent de maintenir les sols, évitant leur érosion, même sur des surfaces minérales comme les trottoirs. À une époque où la dégradation des sols est un enjeu mondial, leur rôle stabilisateur, aussi discret soit-il, mérite d'être valorisé.

4. Des bienfaits esthétiques et pédagogiques

Avec leurs couleurs variées et parfois éclatantes, les herbes spontanées apportent un charme inattendu au paysage urbain. En outre, elles sont d’excellents outils pédagogiques pour sensibiliser les enfants (et les adultes !) à la nature en ville. Observer une orchidée sauvage sur un trottoir peut susciter la surprise et l’émerveillement, tout en redonnant une valeur émotionnelle aux espaces bétonnés.

Pratiques de gestion douce pour cohabiter

Pour que la cohabitation entre ces plantes et les citadins soit harmonieuse, plusieurs pratiques peuvent être adoptées :

  1. Éviter les désherbages systématiques : Un désherbage manuel ou mécanique ponctuel, adapté aux usages de l’espace, suffit.
  2. Laisser des zones libres : Réserver certains espaces pour la végétation spontanée, comme une bande le long des murs.
  3. Renforcer les initiatives participatives : Les programmes comme « Sauvages de ma rue », qui invite les habitants à recenser la flore urbaine, permettent d’impliquer tous les citoyens dans une démarche positive.

Un enjeu collectif pour demain

Préserver les herbes spontanées qui poussent sur nos trottoirs est un geste simple mais riche de sens. Ces plantes nous rappellent que la nature peut se frayer un chemin partout, même au cœur de nos villes. Leur rôle écologique, esthétique et symbolique résonne avec les enjeux de la transition écologique : mieux vivre avec le vivant et accepter qu'il ait sa place, même dans nos environnements les plus conçus.

Alors, la prochaine fois que vous croisez un tapis de pissenlits ou une herbe à Robert nichée dans une fissure, prenez le temps de les observer. Derrière leur apparence modeste se cache une histoire forte, celle d’une nature qui n’attend qu’un regard bienveillant pour se révéler.

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