Les coulisses de la gestion et de la protection des espaces naturels à Hénin-Carvin

27/09/2025

Une mosaïque d’acteurs sur le terrain

À Hénin-Carvin, comme dans tout le Pas-de-Calais, la préservation de la nature ne dépend pas d’un seul gestionnaire. Elle mobilise une diversité d’acteurs : collectivités territoriales (Communauté d’Agglomération Hénin-Carvin – CAHC), associations naturalistes, agriculteurs, et même collectifs de citoyens. Cette multitude d’intervenants reflète la richesse des statuts des espaces et l’ingéniosité de la gouvernance locale.

  • Collectivités territoriales : La CAHC gère directement 300 hectares d’espaces verts et naturels (source : rapport d’activités CAHC 2022). Elle porte les plans de gestion, pilote certains suivis de biodiversité, et mène des opérations de restauration (ex : replantation de haies, entretien des zones humides).
  • Associations naturalistes et environnementales : Citons le CPIE Chaîne des Terrils, Eden 62, ou Nord Nature Environnement. Ces structures sont souvent gestionnaires d'espaces labellisés, telles que les Réserves Naturelles Régionales du Bassin minier.
  • Propriétaires privés et agriculteurs : Près de 70% du foncier rural est aux mains du privé ou d’exploitants agricoles (source : INSEE). Leur rôle dans la gestion des haies, prairies et mares est donc crucial dans la trame verte et bleue locale.
  • Citoyens et groupes de riverains : Les initiatives citoyennes, comme les chantiers participatifs sur le terril du Pinchonvalles ou le projet « Un arbre, un habitant » à Dourges, se multiplient, offrant une prise directe sur la protection du patrimoine naturel.

Qu’est-ce qui protège concrètement un espace ?

Tout espace naturel n’est pas protégé de la même façon. À Hénin-Carvin et alentours, on trouve une vraie mosaïque de statuts et de dispositifs : des zones humides classées à la trame noire, en passant par de simples espaces verts urbains ayant une protection indirecte.

Les statuts réglementaires : du local à l’international

  • Natura 2000 : Deux sites couvrent le secteur, notamment pour la protection des chauves-souris et des pelouses sèches des terrils (base SI-GN, DREAL Hauts-de-France). Ici, chaque intervention (défrichage, aménagement) doit être concertée, justifiée et suivie.
  • Arrêtés de protection de biotope (APB) : Appuyés par la préfecture, ils permettent de sanctuariser de petites zones d’intérêt déterminant : friches, mares, bosquets hébergeant une espèce patrimoniale.
  • Espaces Boisés Classés (EBC) et ZNIEFF : Ces dispositifs, inscrits au Plan Local d’Urbanisme, limitent l’urbanisation et autorisent parfois l’intervention publique (espèces invasives, restauration d’habitats).
  • Sites Ramsar et Convention d’Aarhus : Si Hénin-Carvin n’a pas de site Ramsar à proprement parler, la proximité des zones humides majeures (couronne de la Scarpe, zones tourbeuses de la Gohelle) influence la politique locale.

La majorité des milieux naturels restent néanmoins « hors protection stricte », dépendant de politiques communales ou intercommunales. Et pourtant, l’enjeu y est tout aussi vital.

Quand la protection passe par la gestion

  • Plans de gestion : Toute zone Natura 2000, mais aussi tout espace géré par un acteur public ou associatif, s’appuie désormais sur un diagnostic écologique et un plan d’action : entretien différencié, suivi faune/flore, zones de quiétude, gestion raisonnée des sentiers.
  • Chartes et conventions : Des accords à l’échelle locale (ex : Convention de gestion de la zone humide de Courrières entre la CAHC, Eden62 et la commune). Ils définissent qui fait quoi ; on y prévoit par exemple la fauche tardive pour favoriser les insectes pollinisateurs sur les prairies humides du secteur.
  • Expérimentations citoyennes : Par exemple, l’opération « Refuges LPO » répertorie actuellement 112 jardins privatifs héningtois où chasse et pesticides sont bannis (source : LPO Nord).

La surveillance : inventaires, suivis et vigies de terrain

La gestion écologique raisonnée ne saurait exister sans une veille permanente. Préserver, c’est connaître, surveiller, documenter… puis adapter ses pratiques.

  • Inventaires réguliers : Sur le bois de l’Abbaye, par exemple, des sorties naturalistes organisées depuis 2021 ont permis de recenser 432 espèces végétales et plus de 90 espèces d’oiseaux (donnée : Observatoire local de la biodiversité).
  • Suivis de populations patrimoniales : La population de crapauds calamites du terril de Noyelles-Godault fait l’objet, chaque printemps, d’un suivi scientifique (bénévoles et CPIE).
  • Sentinelles citoyennes : Depuis 2023, des programmes de sciences participatives, comme « Un dragon dans mon jardin » (sur les amphibiens), permettent à chacun de signaler la présence de tritons, grenouilles ou salamandres. Près de 60 observations recensées l’an dernier sur Hénin-Carvin (source : France Nature Environnement).
  • Outils numériques : L’application INPN Espèces, très utilisée dans le secteur, facilite la remontée rapide d’observations faunistiques et floristiques, en complétant les bases de données publiques.

Des menaces persistantes et des réponses locales

La gestion d’un espace naturel, même protégé, n’est jamais un long fleuve tranquille. Le territoire doit constamment répondre à de nouveaux défis.

Les principales pressions sur les milieux

  • Artificialisation et infrastructures : L’accroissement des lotissements, la création de zones commerciales (près de l’A1), ou la réfection des routes, morcellent la continuité écologique. Environ 180 hectares de surfaces naturelles ou agricoles ont été transformés sur l’agglomération au cours des 15 dernières années (source : CAHC, aménagement du territoire).
  • Pollutions diffuses : Ruissellement d’intrants agricoles, dépôts sauvages d’ordures, fragments plastiques. Sur 400 analyses d’eau réalisées entre 2020 et 2023 dans le bassin versant de la Deûle, 38% présentaient des taux de nitrates supérieurs à 25 mg/l (source : Agence de l’Eau Artois-Picardie).
  • Espèces invasives : La renouée du Japon grignote les bords de la Souchez, tandis que l’écureuil gris gagne du terrain sur le rouge dans plusieurs parcs périurbains.
  • Changements climatiques : Sécheresses à répétition, effondrement de certaines populations d’amphibiens lors des épisodes caniculaires et apparition d’espèces méridionales inhabituelles (mante religieuse repérée en 2022 sur le terril de Leforest).

Stratégies et exemples locaux de réponses

  • Renaturation et corridors écologiques : Création de haies bocagères (plus de 7 km plantés en 3 ans dans la CAHC entre 2020 et 2023), développement de prairies fleuries sur bords de routes.
  • Lutte contre les invasives : Les élèves du lycée Senez d’Hénin-Beaumont, accompagnés d’Eden 62, se relayent chaque automne pour arracher la balsamine de l’Himalaya sur le ruisseau du Grand Noyer.
  • Gestion adaptative : Au bois de Florimond, après le constat d’un effondrement du cortège d’orchidées en 2021, l’entretien a été repensé (fauche plus tardive, îlots de quiétude), avec des résultats encourageants : retour de la platanthère en 2023.
  • Médiation et sensibilisation : Des balades « nature et patrimoine », animations en écoles et panneaux explicatifs pour changer le regard – et déjouer le vandalisme ou les pratiques irrespectueuses (cueillette illégale, dépôts sauvages).

Vers une nature partagée : le pouvoir d’agir des habitants

La gestion et la protection des espaces naturels ne sont ni réservées aux spécialistes, ni figées dans des règlements. Leur avenir tient aussi à la capacité d’un territoire à faire de ses habitants des vigies et des acteurs engagés.

  • Jardins de biodiversité : De nombreux habitants convertissent leur pelouse en prairie, plantent des arbres locaux et bannissent pesticides et herbicides. Ces « micro habitats » représentent souvent, cumulés, plusieurs dizaines d’hectares de relais pour la faune locale (source : Observatoire biodiversité CAHC).
  • Comités de quartier et groupes nature : Les « Écoparlementaires juniors » de Montigny-en-Gohelle ou le collectif « Sauvons la Mare de Rouvroy » prouvent que la mobilisation se fait à tout âge, parfois avec le soutien d’élus attentifs ou d’associations aguerries.
  • Inventaires et sciences citoyennes : Outre la participation aux suivis naturalistes, les signalements des riverains sont précieux dans l’alerte contre les pollutions ponctuelles, les coupes illégales ou la découverte d’espèces rares.

Ouvrir les perspectives : concilier transition et préservation

À Hénin-Carvin comme partout ailleurs, gérer et protéger les espaces naturels, c’est accepter que l’équilibre reste fragile. Entre politiques publiques, implication des citoyens et bouleversements globaux, la dynamique locale prouve chaque jour qu’une nature de proximité, même héritée de l’industrie, peut devenir un bien commun précieux dès lors qu’elle est connue, mise en valeur et respectée collectivement. Le défi des années à venir ? Accélérer la restauration, renforcer la co-construction territoriale, et faire de la nature un acteur à part entière de l’avenir d’Hénin-Carvin et du Bassin minier.

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