Portrait inédit d’Hénin-Carvin côté nature : sites, enjeux et itinéraires peu connus

05/09/2025

Les terrils, temples de la biodiversité retrouvée

Leur silhouette noire ponctue les paysages du Bassin minier : terrils de Dourges, terril 205 à Hénin-Beaumont, terril du Pinchonvalles… Sur ces monticules issus de l’activité minière – plus de 340 recensés dans la région selon l’UNESCO – la nature opère un formidable retour. Entre chaleur, sécheresse, substrat pauvre et pentes abruptes, ces reliefs singuliers deviennent le foyer d’espèces rares.

  • Faune et flore exceptionnelles : La pelouse pionnière permet l’installation d’orchidées, dont la fameuse Ophrys abeille. Les lézards des murailles, peu fréquents ailleurs dans la plaine, trouvent ici un biotope idéal.
  • Accessibilité : La plupart de ces terrils sont accessibles en balade, à pied ou à vélo — comme le circuit du terril 205A, balisé par le Parc naturel régional des Hauts-de-France. Certains sommets livrent un des plus beaux points de vue sur tout le secteur.
  • Statut de protection : Certains terrils (liste sur INPN) sont inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012 comme paysage culturel vivant.

Une récente étude menée par la Fédération Nord Nature révèle que 80 % des amphibiens et reptiles du Pas-de-Calais sont représentés sur au moins un terril (source : "Atlas régional des reptiles et amphibiens", 2022). Les scientifiques notent également le retour de rapaces, comme le faucon crécerelle ou la buse variable, sur ces anciens rebuts de la mine.

Zones humides, sources invisibles de vie

Entre les axes urbains et les installations humaines circulent de multiples filets d’eau, mares, fossés et plans d’eau post-industriels. L’étang de la Grande-Bruyère à Courrières, la zone humide de la Marque à Noyelles-Godault ou encore le parc du Vignoble à Montigny-en-Gohelle constituent pour la faune une trame aquatique indispensable.

  • Lutte contre les inondations : La gestion des crues s'appuie en partie sur ces milieux naturels, essentiels face aux épisodes pluvieux intenses. Le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) Hénin-Carvin rappelle l’importance de ces poches de rétention naturelles.
  • Richesse du vivant : Plus de 50 espèces d’oiseaux d’eau ont été recensées autour de l’étang d’Annay-sous-Lens, dont le grèbe huppé et la sarcelle d’hiver (source : Observatoire régional de la biodiversité – ORB).
  • Impact local : Ces sites, pour la plupart ouverts à la promenade douce, jouent un rôle vital dans la qualité de l’eau potable du secteur.

Au printemps, ces espaces humides s’animent : concerts batraciens, passages de limicoles, émergences de libellules. Depuis 2018, le Conservatoire d’Espaces Naturels des Hauts-de-France développe dans le bassin des actions de suivis batrachologiques et de gestion des plantes invasives, notamment la jussie.

Friches et renaturation : des zones à redécouvrir

Nombre de sites délaissés après la fermeture des usines ou des infrastructures de transport se sont (re)métamorphosés en poches de nature urbaine ou périurbaine : anciennes voies ferrées, carreaux de fosse, zones incultes… La friche de l’ancienne cokerie à Drocourt, aujourd’hui partiellement requalifiée, abrite l’un des derniers bastions de certaines plantes rares à l’échelle régionale.

  • Refuges inattendus : C’est dans ces interstices que s’installe parfois la biodiversité la plus surprenante, comme la coronille bigarrée ou la rosalie des Alpes, coléoptère protégé.
  • Pépinières écologiques : Quelques initiatives citoyennes, comme "Les Incroyables Comestibles" à Rouvroy, transforment friches ou terrains vacants en jardins participatifs, promouvant une nature de proximité gérée par et pour les habitants.
  • Observation et inventaires : Plusieurs friches font l’objet de recensements naturalistes annuels compartant l’évolution du cortège d’espèces face aux dynamiques de renaturation, montrant la rapidité du retour de certaines espèces dites pionnières.

La friche de la Motte du Grand Feu, à Oignies, illustre la rapidité avec laquelle la biodiversité peut s’épanouir en quelques années, une fois laissée sans interventions lourdes. On y observe plus de 180 espèces végétales, dont 12 considérées comme d’intérêt patrimonial (source : CEN Hauts-de-France, 2022).

Forêts et boisements : le patrimoine sylvestre discret d’Hénin-Carvin

Si la densité de forêts anciennes est faible sur le secteur, quelques boisements méritent le détour, mémoire de paysages plus anciens ou témoins du reboisement contemporain. Le Bois de Florimond à Libercourt, traversé par le GR121A, s’étend sur près de 35 hectares et accueille écureuils, pics et parfois chevreuils.

  • Boisements récents, richesse réelle : Certaines forêts jeunes (moins de 50 ans) sont issues de replantations sur d'anciens sites industriels et favorisent désormais une mosaïque de milieux, avec clairières ouvertes, fourrés, petits marécages.
  • Forêts de mémoire : Le bois de Dourges, aussi appelé “Bois des Dames”, rappelle l’ancien paysage rural et propose des parcours de randonnées pédestres ombragés, utilisés par les familles et naturalistes locaux.
  • Vieille forêt et espèces remarquables : Quelques lambeaux de boisements anciens abritent des sujets presque centenaires : il reste notamment des chênes, aulnes et saules d’âge vénérable.

L’inventaire écologique de la haie bocagère menée par le CPIE Chaîne des Terrils en 2020 recense plus de 160 espèces végétales ligneuses à l’échelle locale, soulignant l’importance des corridors boisés dans le maintien des petits mammifères et de la faune ailée.

Paysages agricoles et trame verte : des lisières à explorer

À la croisée des mondes rural et urbain, les champs, pâtures, alignements de peupliers, réseaux de haies et talus offrent une transition essentielle entre ville et milieux naturels. Les lisières des communes de Leforest, Bois-Bernard ou Evin-Malmaison réservent, au détour d’un chemin, de belles rencontres : passereaux nicheurs, busards, renards, lièvres ou encore rarissimes motteuses.

  • Trames vertes et bleues : Lancée au niveau régional pour la reconquête de la biodiversité, la trame verte et bleue s’incarne sur le terrain par l’entretien des haies, fossés, boisements linéaires et corridors écologiques, sous l’impulsion de collectivités, agriculteurs et associations environnementales.
  • Enjeux agro-écologiques : Près de 60 % du territoire d’Hénin-Carvin reste à dominante agricole, mais la pression foncière urbaine et les changements climatiques imposent une réflexion sur la diversité et l’entretien des habitats naturels.
  • Initiatives locales : Le plan “Nature en Ville” et les groupes locaux de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) suscitent chaque année des inventaires d’oiseaux des champs, offrant de précieuses données sur l’état des populations rurales.

Espaces naturels, patrimoine invisible à révéler

Hénin-Carvin, traversée par le canal de la Deûle et ceinturée par ses axes ferroviaires, autres témoins d’une époque industrielle, ne cesse de se réinventer. Les espaces naturels du secteur sont ainsi façonnés par une histoire humaine contrastée autant que par les forces vivantes du présent : colonisation végétale des terrils et friches, préservation des zones humides, réinvention des corridors boisés ou agricoles. La biodiversité qui s’y développe, souvent dans l’ombre des monuments de briques, compose discrètement une nouvelle carte du territoire.

  • Au fil des saisons, ces sites, parfois perçus comme “banals”, laissent entrevoir une vitalité naturelle insoupçonnée – une invitation à la (re)découverte, l’appareil photo (ou la loupe de botaniste) en main.
  • Les espaces naturels remarquables d’Hénin-Carvin dessinent ainsi le portrait d’un territoire en résistance, créatif à l’échelle écologique, riche d’expériences à partager — pour peu qu’on prenne le temps d’observer, de s’informer… et de marcher sur leurs sentiers.

Pour explorer plus en détail chaque site, accéder aux cartographies, trouver les prochaines animations nature ou consulter les derniers inventaires naturalistes, plusieurs ressources existent : le site du Parc naturel régional des Hauts-de-France, les fiches pédagogiques du Bassin minier Patrimoine mondial, et bien sûr les rendez-vous du collectif local “Sorties Nature” coordonné par la maison de l'environnement d’Hénin-Beaumont.

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