Forêts, bois, bosquets: Quels milieux révèlent toute la richesse écologique de nos paysages ?

25/09/2025

Plongée dans la diversité des espaces boisés

En traversant les campagnes du Nord ou en flânant aux pieds des terrils, on croise mille visages de la "forêt". Mais tous les espaces boisés ne se ressemblent pas. De la hêtraie feuillue de grande taille, qui évoque la Belgique voisine, à l’ancien bocage resté coincé entre deux routes, certaines forêts valent de l’or sur le plan de la biodiversité. Comment les distinguer ? Et où se cachent ces joyaux dans le Nord et le Pas-de-Calais?

Pourquoi la richesse écologique varie-t-elle autant d’une forêt à l’autre ?

Chaque espace boisé forme un écosystème dont la vitalité repose sur un subtil équilibre. Plusieurs facteurs déterminent la richesse écologique d’un bois :

  • L’âge et la maturité du massif : un bois très ancien et peu exploité, dit "forêt ancienne", héberge souvent plus de micro-habitats (bois morts, arbres creux, clairières naturelles).
  • La diversité des essences : un patchwork d’arbres indigènes (chêne, charme, noisetier, etc.) offre une mosaïque de niches écologiques.
  • La gestion humaine : fauche tardive, non-entretien des lisières, présence de vieux arbres ou de mares, replantation… Chaque geste favorise ou limite différentes espèces.
  • La connexion avec d’autres milieux : plus une forêt est reliée à d’autres habitats (haies, prairies, zones humides), plus son "effet-corridor" stimule la circulation des espèces.

Au contraire, les bois monospécifiques ou très exploités (parfois appelés “plantations” plutôt qu’écosystèmes forestiers) sont souvent moins hospitaliers pour une faune et une flore variées.

Inventaire : les espaces boisés les plus précieux de la région

Dans le Nord-Pas-de-Calais, les grandes forêts d’antan, comme la forêt d’Arrouaise (jadis près de 15 000 ha au Moyen Âge, source : Paysages en Nord), ont laissé la place à un damier de fragments forestiers, de bosquets et surtout de boisements secondaires dus à la reconquête végétale sur d’anciens sites industriels. Pourtant, certains espaces se démarquent :

  • Les forêts anciennes :
    • Forêt de Phalempin (près de Lille – 678 ha) : Réputée pour ses chênaies et son cortège d’oiseaux nicheurs (plus de 60 espèces recensées, source : Office National des Forêts).
    • Bois de Marœuil (près d’Arras) : Isles préservées de vieux boisements chez lesquels on trouve notamment le rare sabot de Vénus ou des chauves-souris forestières sensibles.
  • Les bosquets relictuels (anciens bocages, lisières…):
    • Haies bocagères de l’Artois et du Ternois : Chaque kilomètre de haie abrite jusqu’à 70 espèces d’insectes et 20 espèces d’oiseaux nicheurs, en moyenne (source : LPO et Conseil départemental 62).
    • Bosquets humides du parc Natura 2000 Scarpe-Escaut : Ces zones forestières mêlent saules, aulnes, frênes et présentent une densité record de batraciens (triton crêté notamment, espèce protégée).
  • Les boisements pionniers, héritage industriel :
    • Bois du terril de Pinchonvalles (près d’Avion) : En moins de 50 ans, cette friche minière accueille maintenant 380 espèces végétales, dont des orchidées rares (source : CPIE Chaîne des Terrils).

On croise aussi des mini-forêts urbaines (une dizaine dans la MEL à ce jour, source : Métropole Européenne de Lille, 2023) qui montrent que richesse et superficie ne sont pas toujours liées.

Vieux bois et forêts jeunes : pas la même histoire écologique

L’ancienneté d’un peuplement forestier joue sur la qualité, plus encore que la quantité. Une étude de l’INRAE (2021) a montré que les "forêts anciennes" de France, présentes sur les cartes avant 1850 et quasi jamais défrichées, contiennent de 40 % à 60 % plus d’espèces spécialistes (lichens, coléoptères saproxyliques, champignons, flore vasculaire forestière) que les forêts plantées postérieurement. Ces espèces, dites "anciennes", sont incapables de recoloniser facilement les boisements neufs.

Les vieux bois de hêtres et de chênes du secteur de Phalempin-Templeuve abritent par exemple l’escargot de Quimper, indicateur précieux d’un passé forestier peu perturbé. À l’inverse, de jeunes bosquets ou forêts en reconquête peuvent héberger une grande diversité générale, mais surtout d’espèces pionnières.

L'importance des structures mortes et des arbres sénescents

Contrairement aux idées reçues, le bois mort et les arbres "en fin de vie" sont de véritables centrales de biodiversité. Une publication du Muséum national d’Histoire naturelle (2018) estime que près d’un tiers des espèces forestières dépendent du bois mort à un moment de leur vie. Oiseaux (pic noir, chouette hulotte), insectes xylophages, mais aussi champignons rares (amadouviers, polypores)… la présence d’environ 20 à 30 m³/ha de bois mort, seuil jugé “écologiquement optimal”, n’est atteinte que dans les forêts très peu exploitées, et rarement en France.

En France, la moyenne de bois mort en forêt n’est que de 12 m³/ha, bien en dessous de nos voisins allemands ou scandinaves (Source : IFN IGN). La préservation d’arbres âgés est donc capitale pour soutenir la richesse écologique locale.

Zoom : espaces boisés remarquables à Hénin-Carvin et alentours

  • Bois des Hautois (Oignies/Carvin) : 95 hectares d’anciennes friches reboisées après l’exploitation minière, avec apparition d’orchidées (ophrys abeille), nuits estivales animées par les chauves-souris pipistrelles, et inventaires de coléoptères saproxyliques en nette hausse.
  • Bords boisés du canal de la Deûle : Connectés à des prairies humides, ils abritent la couleuvre à collier (espèce protégée au niveau européen, annexe IV de la Directive habitats).
  • Bosquet des Chevrettes (Montigny-en-Gohelle) : Passage migratoire printanier pour la bondrée apivore et étonnante constance d’un couple nicheur de grimpereau des jardins, espèce localement rare (source : Atlas communal LPO, 2021).

Les espèces indicatrices de la bonne santé des boisements

Certains organismes témoignent d’un équilibre écologique favorable. Parmi eux :

  • Le pic noir : Premier à creuser de grandes loges exploitées par d’autres animaux (chouettes, martres, etc.), il exige de vieux boisements continus et riche en bois mort.
  • L’épipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine) : Orchidée forestière typique, assez exigeante sur la qualité et l’ancienneté du peuplement.
  • La chauve-souris Barbastelle : Trésor de la faune européenne, elle n’utilisera que les forêts calmes, humides et truffées de micro-habitats (fissures, vieux arbres…).
  • Le triton crêté : Amphibien rare nécessitant l’alternance de mares, bois, et prairies humides.

Leur observation régulière dans un espace boisé témoigne de sa valeur pour la biodiversité régionale.

De précieux écosystèmes menacés

Malgré leur importance, ces milieux font face à de nombreuses pressions :

  • Fragmentation des boisements : Entre 1950 et 2010, la surface moyenne des parcelles forestières du Nord a baissé de 36 % (source : IFN 2013). De petits bois "enclavés" risquent de s’isoler écologiquement.
  • Uniformisation des peuplements : La tendance à replanter en ligne des essences à croissance rapide nuit à la richesse des sous-bois.
  • Destruction des vieux bois et haies : Chaque disparition d’un linéaire de haies équivaut à la perte d’un corridor biologique crucial pour la petite faune et les pollinisateurs.

Ces mutations affectent la capacité des forêts et bosquets à jouer leur rôle de refuges face aux bouleversements climatiques.

Perspectives : préserver et restaurer la diversité forestière

Pour sauvegarder cette mosaïque vivante, les priorités sont claires : préserver les derniers bois anciens et leurs micro-habitats, développer les connexions par des plantations diversifiées (haies, bosquets, trames vertes) et ménager la gestion forestière (laisser une part de bois mort, éviter les coupes rases, privilégier l’enrichissement naturel et la régénération spontanée).

À l’échelle citoyenne, connaître les boisements de son secteur, participer à des inventaires participatifs (via l’Observatoire Faune-France ou auprès de la LPO) ou signaler la présence d’espèces indicatrices sont autant de gestes qui contribuent à la protection de la biodiversité locale.

Chaque bosquet recèle de véritables promesses écologiques. Qu’il s’agisse d’une grande hêtraie, d’un rideau boisé urbain ou d’un modeste ilôt forestier sur terril, la richesse des espaces boisés dépend avant tout de notre capacité à les comprendre… et à les laisser évoluer dans toute leur complexité.

En savoir plus à ce sujet :