Derrière le béton : explorer les écosystèmes urbains à Hénin-Carvin et leur rôle pour la biodiversité

04/08/2025

Les parcs et espaces verts urbains : poumons à multiples visages

Hénin-Beaumont, Dourges, Montigny-en-Gohelle, Carvin… chaque ville du territoire offre au moins un parc ou espace vert d’envergure. Leur diversité – d’un square planté d’arbres remarquables à une coulée verte traversant plusieurs quartiers – constitue la colonne vertébrale du réseau d’espaces naturels urbains.

  • Exemple concret : Le parc des Îles, à Hénin-Beaumont, s’étend sur 7 hectares, incluant étangs, prairies et bosquets. Il sert de refuge à plus de 60 espèces d’oiseaux recensés chaque année lors des suivis (LPO, 2023).
  • Rôle écologique : Zones de nidification, lieux de chasse pour les chauves-souris, halte migratoire pour les oiseaux, réservoirs de pollinisateurs (abeilles, papillons…).
  • Services rendus : Régulation du microclimat (ombrage, fraîcheur estivale), filtration des eaux de ruissellement, sensibilisation et détente pour les riverains.

Un chiffre fort : dans la Métropole européenne de Lille, qui partage des caractéristiques écologiques proches d’Hénin-Carvin, 70 % de la biodiversité détectée en ville fréquente ces espaces verts (source : INPN, 2022).

Friches urbaines et industrielles : laboratoires naturels en pleine mutation

Sur d’anciens sites miniers, des terrains vagues ou d’anciennes voies ferrées, la friche devient un lieu expérimental pour la biodiversité urbaine. Ces espaces, souvent transitoires avant réaménagement, abritent une faune et une flore pionnières, adaptées à des milieux pauvres, changeants et parfois pollués.

  • Faits marquants : Sur le bassin minier, sur plus de 850 friches inventoriées (Cerema, 2018), nombre d’entre elles accueillent des espèces pourtant sensibles, comme l’orphrys abeille, ou des oiseaux peu communs, tels que le pipit rousseline.
  • Terrils végétalisés : Au sein d’Hénin-Carvin, les terrils Sainte-Henriette et le terril du 74 à Dourges ont été reconquis par plus de 300 espèces végétales recensées (Flore du bassin minier, J.-P. Ledé, 2022).
  • Faune spécifique : Renards, chevreuils, nombreux insectes endémiques et papillons colonisent ces habitats riches en microclimats et refuges. L’observatoire du Parc naturel régional recensait, en 2023, 14 espèces de coléoptères rares sur les terrils d’Hénin-Carvin.

Jardins partagés, privés et collectifs : des trésors parfois invisibles

Les jardins, qu’ils soient associatifs, partagés ou tenus avec passion par des habitants, jouent un rôle capital pour la biodiversité. Ce sont des écosystèmes en miniature qui, cumulés, forment une toile vivante à l’échelle de la ville.

  • Un jardin potager peut héberger plus de 80 espèces d’insectes sur une seule saison (source : Office français de la biodiversité, 2020).
  • Plusieurs colonies d’abeilles sauvages, telles que l’osmie cornue, trouvent refuge dans les murs, micro-habitats et hôtels à insectes disposés par des particuliers ou dans les jardinières publiques.
  • L’association « Les Pieds sur Terre », à Montigny-en-Gohelle, anime chaque année des chantiers participatifs de plantations, générant un renouveau de plantes indigènes et fournissant gîte et couvert à merles et hérissons (« Rapport d’activités », 2023).

La gestion différenciée (fauches tardives, réduction du recours aux pesticides, plantation d’essences locales), adoptée par certaines communes et collectifs, multiplie les niches écologiques. Les études de l’INRAE (2021) montrent qu’un seul jardin en gestion écologique augmente de 40 % la diversité d’arthropodes par rapport à une gestion « ornementale » classique.

Bassins de rétention, étangs et fossés : zones humides en milieu urbain

Avec l’urbanisation massive, les points d’eau présents sur le territoire relèvent parfois du hasard – mais leur contribution à la biodiversité est loin d’être anodine. Les bassins d’orage et étangs de loisirs deviennent souvent refuges temporaires ou permanents pour une multitude d’espèces.

  • La Communauté d’agglomération gère plus de 45 bassins, créés pour prévenir les inondations mais rapidement colonisés par amphibiens, libellules, canards, poules d’eau et chauves-souris (Service eaux pluviales, CAHC, 2022).
  • La présence du sonneur à ventre jaune, petit crapaud protégé, a été confirmée dans 5 bassins à Drocourt et Noyelles-Godault lors d’un inventaire mené en 2021 (GON, Groupe ornithologique et naturaliste du Nord-Pas-de-Calais).
  • Les fossés périphériques servent de corridors humides, permettant le déplacement de grenouilles vers d’autres milieux et favorisant ainsi la connectivité écologique au sein des villes.

L’artificialisation des sols et la gestion hydrographique créent parfois des opportunités : nombre d’oiseaux migrateurs profitent de ces espaces pour s’abriter, s’alimenter ou faire étape. Selon le CNRS, jusqu’à 30 % des observations d’avifaune migratrice dans les Hauts-de-France sont faites sur des plans d’eau artificiels urbains.

Les terrils et coteaux urbains : mosaïque d’habitats et espèces remarquables

Le bassin minier réunit une singularité géographique, où la biodiversité s’est acclimatée sur des supports inattendus : les anciens terrils, plus de 20 sur la seule agglomération d’Hénin-Carvin (Mission Bassin Minier, 2022). Ces « pyramides noires », parfois entièrement intégrées au tissu urbain, offrent un gradient écologique allant du sol nu à la forêt pionnière.

  • Plus de 300 espèces végétales recensées sur les terrils Sainte-Henriette et Dourges, dont 7 orchidées rares (Flore du bassin minier, J.-P. Ledé, 2022).
  • La richesse entomologique (papillons, criquets, carabes) est démultipliée par la diversité de microclimats et espaces de transition entre prairie, taillis et fourrés.
  • Certains reptiles sous protection (lézard vivipare, couleuvre à collier) réapparaissent sur ces sites, rarement visibles ailleurs dans la plaine de la Gohelle.

La gestion de ces sites, longtemps orientée vers l’enrésinement ou la couverture rapide, intègre aujourd’hui la conservation de clairières et d’espèces spécifiques (programme LIFE “Anthropoflore”, UE, 2018-2022).

Corridors écologiques : relier les habitats pour renforcer la biodiversité

La biodiversité urbaine n’est pas qu’une juxtaposition de poches isolées. À Hénin-Carvin, une véritable « trame verte et bleue » structure le territoire et facilite les déplacements des espèces.

  • Bordures ferroviaires : Les talus, bandes enherbées et haies autour de la ligne SNCF Lens-Douai sont, localement, les seuls milieux semi-naturels reliant des quartiers très densément bâtis.
  • Berges de la Deûle : Ces zones humides en périphérie d’Hénin-Beaumont jouent le rôle de « corridor bleu », utilisé par plusieurs mammifères, oiseaux et amphibiens pour circuler entre zones urbaines et campagnes.
  • Alignements d’arbres et haies urbaines : L’arbre en ville n’est pas qu’un ornement mais une étape pour les chauves-souris, oiseaux, invertébrés. Ces alignements servent d’axes de circulation et de repos, réduisant la fragmentation des habitats (source : Plante & Cité, 2022).

Des projets pour renforcer la continuité écologique

  • La communauté d’agglomération a planté 4 500 arbres en 2022 (Service Environnement, CAHC), concentrés sur les franges des nouveaux quartiers pour constituer de mini-corridors à l’échelle locale.
  • Le « Plan Canopée » vise à augmenter de 30 % la couverture arborée d’ici 2030 pour lutter contre la fragmentation et reconnecter parcs et jardins : un millier d’élèves ont été sensibilisés lors d’ateliers de plantation (2022-2023).

Habiter, agir, préserver : quand l’urbain s’accorde avec la nature

Derrière la silhouette ordinaire de nos cités, des millef euilles d’écosystèmes s’enchevêtrent, chacun avec ses singularités. Friches et terrils, souvent considérés comme des “vides” urbains, révèlent leur potentiel irremplaçable : laboratoire d’évolution, refuge pour des espèces rares, témoignages vivants d’un territoire en transition. Les efforts pour préserver et relier ces habitats, portés à la fois par les collectivités, les associations et les habitants, dessinent une trame urbaine résiliente, prête à accueillir demain une nature toujours plus riche… si l’on sait l’accompagner.

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