Amphibiens protégés des zones humides : qui vit près d’Hénin-Carvin ?

01/07/2025

Des zones humides singulières et essentielles autour d’Hénin-Carvin

Au fil des décennies, le paysage local a vu naître mares agricoles, fossés, friches humides sur terrils, plans d’eau issus de la reconquête post-industrielle, et lacs d’anciennes sablières. Malgré l’urbanisation et l’exploitation passée, le territoire d’Hénin-Carvin comptait plus de 250 mares cartographiées lors des inventaires régionaux des années 2000 (source : Conservatoire d’espaces naturels Hauts-de-France).

Ces milieux accueillent aujourd’hui une dizaine d’espèces d’amphibiens, dont six sont listées comme protégées en France ou en Europe. La richesse biologique des zones humides locales doit beaucoup à leur diversité, mais aussi à la mobilisation récente de gestionnaires, collectivités, agriculteurs et associations.

Qu’entend-on par “amphibiens protégés” ?

En France, une vingtaine d’espèces d’amphibiens bénéficient d’une protection réglementaire, inscrite à l’arrêté du 8 janvier 2021 (Legifrance). Cette protection concerne toute intervention sur l’animal, ses œufs, mais aussi ses sites de reproduction et ses habitats.

  • Leur destruction, transport, cession ou détention sont strictement interdits.
  • Les espèces inscrites à l’annexe IV de la Directive Habitats (UE) font aussi l’objet de mesures prioritaires, et l’Europe sanctionne les atteintes à leurs habitats spécifiques.

Pour Hénin-Carvin et ses alentours, cela concerne majoritairement grenouilles, crapauds et tritons, avec des enjeux variés selon l’espèce.

Les amphibiens protégés trouvés en zone humide d’Hénin-Carvin

De nombreuses données naturalistes, issues notamment des atlas régionaux (GON Hauts-de-France, CEN, SIAE), permettent aujourd’hui de dresser une liste actualisée des espèces protégées vivant ou ayant été recensées dans les marais locaux, mares de terrils et plans d’eau secondaires. Les campagnes de suivis automnaux et nocturnes par baguage ou lamping permettent de valider leur présence chaque année.

1. Triton crêté (Triturus cristatus)

  • État de protection : Protégé intégralement en France, inscrit à l’annexe II/IV de la Directive Habitats
  • Habitat local : Mares profondes, mares de terrils, sablières, plans d’eau permanents riches en végétation
  • Signes de présence : Œufs enroulés dans les feuilles de massettes, parade nuptiale spectaculaire du mâle au printemps

Le Triton crêté est la vedette régionale : il peut atteindre 17 cm et exhibe chez le mâle une crête dorsale ondulée à la période de reproduction. Sa présence signale une belle qualité écologique du site. Plusieurs stations de tritons crêtés sont connues sur des étangs à Noyelles-Godault, Dourges et Hénin-Beaumont (source : Atlas de la biodiversité intercommunale, 2023).

2. Triton ponctué (Lissotriton vulgaris)

  • État de protection : Protégé au niveau national
  • Habitat local : Pratiquement toutes les mares et fossés, y compris périurbains et agricoles
  • Signes de présence : Mâle avec queue ornée d’un filament en période nuptiale

Beaucoup plus discret qu’on ne croit, le triton ponctué reste commun mais en déclin là où les mares se raréfient. Il partage volontiers les petits plans d’eau temporaires avec le triton palmée (Lissotriton helveticus), également protégé.

3. Triton palmé (Lissotriton helveticus)

  • État de protection : Protégé en France
  • Habitat local : Petites mares, fossés inondés, marais boisés

Il se distingue par une paume de pattes arrière palmée chez le mâle, rarement facile à observer. Sa discrétion s’accommode d’habitat modeste, parfois une simple gouttière d’eau suffit à la reproduction si elle reste non polluée.

4. Grenouille agile (Rana dalmatina)

  • État de protection : Protégée en France / Zones prioritaires Natura 2000
  • Habitat local : Lisières humides, prairies inondées au printemps, mares bien ensoleillées
  • Anecdote locale : Appelée parfois la “grenouille sauteuse”, elle peut bondir à plus de 2 mètres pour échapper à un prédateur et effectue ses pontes en grappes flottantes dès février – souvent la première à annoncer la saison.

5. Grenouille rousse (Rana temporaria)

  • État de protection : Espèce protégée
  • Habitat local : Prairies humides, marais temporaires, mares forestières
  • Anecdote : Remarquée certaines années lors des migrations explosives à la faveur des nuits pluvieuses de fin d’hiver, elles traversent parfois des routes en masse, suscitant plusieurs initiatives bénévoles locales de sauvetage (“Opération crapauds”, notamment à Leforest, Canal Seine-Nord Europe, 2022).

6. Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata)

  • État de protection : Protégée, fierté du Bassin minier, espèce remarquée par son cri flûté caractéristique
  • Habitat local : Ornières, petites mares temporaires y compris sur d’anciens sites industriels

Son apparition dans le secteur de la Gohelle dès les années 2010 a surpris les naturalistes, car il était jusque-là réputé cantonné aux coteaux calcaires de l’Artois. Sa résistance à certains milieux pauvres ou minéralisés laisse entrevoir un potentiel de colonisation positive des friches reconverties.

Comprendre les enjeux de leur protection sur le bassin minier

Espèce Principales menaces Statut local
Triton crêté Disparition des mares, pollution, multiplication des poissons introduits Populations isolées, suivies en temps réel par CEN et la LPO
Grenouille agile Urbanisation, érosion des corridors de migration Toujours présente mais dispersée
Sonneur à ventre jaune Assèchement des zones pionnières, compactage des sols sur friches Espèce colonisatrice, surveillée

Les zones humides du secteur ont continûment reculé depuis le milieu du XXe siècle, suite aux drains agricoles, à la densification urbaine et à la pollution chronique des eaux superficielles (nitrates, résidus d’hydrocarbures). Les mares agricoles, qui couvraient encore tout le territoire jusqu’aux années 1970, ont disparu à plus de 60% dans le département, selon les chiffres du GON Hauts-de-France.

  • La fragmentation des milieux limite le brassage génétique : il n’est pas rare d’observer des lignées isolées en régression.
  • La pollution a un effet différé puissant : certains épisodes de pullulation de têtards finissent brutalement lorsque survient un pic de pesticides ou de boues industrielles.
  • Les introductions accidentelles de poissons carnassiers sont responsables d’échecs de reproduction massifs chez les tritons et grenouilles.

Certaines espèces, comme le triton crêté, requièrent des plans d’eau exempts de poissons, vastes (plus de 100 m²), riches d’une végétation aquatique touffue, et connectées à des corridors (haies, fossés, bandes enherbées). La disparition de ces milieux explique leur raréfaction.

Initiatives de préservation et mobilisations du territoire

Face à ces menaces, de nombreuses initiatives locales naissent ou montent en puissance autour d’Hénin-Carvin :

  • Atlas de la Biodiversité Intercommunale (lancé en 2022) : inventaires nocturnes, cartographie des populations, suivi participatif, gestion conservatoire de mares publiques et privées.
  • Opérations “Un dragon dans mon jardin” du CPIE : accompagnement des particuliers volontaires pour maintenir ou restaurer une mare favorable aux amphibiens.
  • Création de mares pédagogiques et corridors de migration dans les parcs urbains (exemples à Drocourt, Hénin-Beaumont).
  • Campagnes “Stop Amphibiens sur la route” : installation de filets et de bacs de collecte au printemps sur certains axes sensibles (source : LPO HDF, 2023), mobilisation de bénévoles, sensibilisation dans les écoles.

La réussite de ces opérations est visible : sur certains sites équipés de filets, plus de 2000 amphibiens ont été “sauvés” d’un trafic routier mortel sur une seule saison migration (source : LPO, 2021).

Observer et reconnaître les amphibiens protégés lors de vos sorties

Le printemps est la saison reine, particulièrement les soirées douces et humides. Avec prudence et respect (ne pas manipuler, ne pas éclairer longuement), il est possible d’observer :

  • Des tritons en parade dès mars-avril, nageant au ras de la végétation immergée
  • Les chœurs puissants des grenouilles rousses et agiles en mars, parfois bruyants à plusieurs dizaines de mètres de distance
  • Le cri flûté du sonneur à ventre jaune, reconnaissable par son rythme irrégulier, même loin de l’eau

Les traces de leur présence restent visibles en journée : “cordons” d’œufs de grenouilles, amas gélatineux dans l’eau, feuilles roulées marquant la ponte des tritons.

Ampibiens protégés et dynamique citoyenne : de nouveaux acteurs

Si la protection des amphibiens relève d’abord de la règlementation et de l’action publique, elle s’enracine dans la multiplication des observateurs réguliers, qu’ils soient naturalistes confirmés, enseignants ou simples curieux. Les signalements spontanés, les inventaires participatifs et la gestion collective des mares garantissent la survie de ces espèces aux exigences souvent méconnues.

Les zones humides du secteur, quand elles sont vivantes, prouvent que la cohabitation entre nature, ville et mémoire minière peut être créative. Pour chaque amphibien aperçu, c’est un bout de territoire qui respire mieux.

Ressources et liens pour aller plus loin

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